dimanche 11 janvier 2009

Message #04

Comme on dit vulgairement, "Ni Hao".

Je vais m'asseoir sur les questions posées précédemment, temporairement du moins, pour aborder un aspect de mon voyage : la découverte de la langue. Évidemment, quel intérêt de se trouver en Chine et de ne pas apprendre le chinois, ou au moins quelques rudiments ? Il est certain que je ne vais pas devenir bilingue en quelques mois mais tout de même, il y a un effort à fournir, surtout si mon séjour devait s'éterniser, ce qui n'est pas totalement impossible. Et puis, au cas où je ne l'aurais pas déjà dit, mon but ultime est d'apprendre le chinois et le japonais. Ce qui fera de moi un polyglotte capable de s'exprimer en cinq langues et d'en comprendre cinq et demie. La classe, non ? Enfin, pour le moment, c'est encore qu'un rêve.

Asseyez-vous, bande de délinquants, et écoutez-moi avec attention pour une petite présentation de la langue chinoise.

Comme certains doivent le savoir, le chinois à proprement parler n'existe pas. Il n'existe pas un chinois mais différentes langues chinoises dont la plus importante est le mandarin qui sert par ailleurs dans les communications du pays. C'est un peu leur lingua franca entre Chinois. Le mandarin est parlé dans la région de Pékin et jusqu'au nord du pays à la frontière avec la Corée du nord, puis aussi dans le sud. C'est le poids lourd des langues chinoise, avec plus de 800 millions de locuteurs. Derrière vient le wu, avec 77 millions ; le cantonais, 71 millions ; le min, le jin, le xiang, le hakka, le gan, le hui et enfin le ping. Ceci sans évoquer les différents accents locaux, bien sûr. Quand on apprend le chinois, on apprend cependant dans la plupart du temps le mandarin.
Le chinois (et dans mon cas, le mandarin pour ceux qui ont suivi...) est une langue où l'intonation est d'une importance capitale. Il ne s'agit pas d'un simple accent tonique (où dans le cas du grec, le changement de place de l'accent tonique peut modifier le sens du mot) mais de véritables modulations de la voix sur chaque syllabe prononcée. Il existe quatre tons différents, et plutôt que de me fatiguer à vous les décrire, je vous donne un petit schéma très bien fait qui vous explique ce que vous êtes sensés faire comme intonation.





















Comme vous le voyez, il s'agit de prononcer la syllabe avec un ton haut perché et régulier, ou de descendre vers les graves, ou remonter vers les aigus, voire les deux à la fois. À ce point là, c'est orgasmique. Et pour le plaisir, il existe un cinquième ton, qui n'en est pas vraiment un, et qui consiste justement à dire une syllabe sans aucun des quatre tons décrits précédemment. Il s'agit de dire cette syllabe rapidement, sans s'arrêter dessus.
Les tons sont d'une importance extrême, car le sens change en fonction de l'intonation, et pas qu'un peu ! Si on prend la syllabe "ma" et les cinq manières de le prononcer, vous pouvez dire : cheval, maman, injurier, chanvre, ou indiquer que vous posez une question. D'autres mots auxquels je dois porter grande attention pour le moment car j'en connais les différents sens sont "ba", papa, huit, marque d'exclamation, "shi", être, ou dix, ou encore "zhong yao", qui peut vouloir dire "médecine chinoise" ou "important". Attention, ces mots ne signifient pas seulement ce que je viens de dire, ils ont aussi d'autres significations selon les autres tons, mais je ne connais pas encore leur signification dans ce cas là. 

Mais pourquoi les Chinois nous imposent-ils une langue si dure et qui donne l'impression d'avoir été inventé par un pékin qui adorait la masturbation mentale ? (En parlant de ça...)(Non, rien...)
Et bien tout simplement parce que le chinois, sans être une langue composée uniquement de mots monosyllabiques, n'a pas choisi de créer des mots à rallonge comme "anticonstitutionnellement" ou "Rindfleischetikettierungsüberwachungsaufgabenübertragungsgesetz" (qui veut réellement dire quelque chose). Or, en combinant toutes les initiales (La première lettre d'une syllabe) et les finales (les lettres qui suivent), on arrive seulement à un total de 400 combinaisons possibles. Probablement suffisant pour s'adresser à l'électeur de base du FN ou de l'ADQ mais largement insuffisant pour former une langue complète. Or, avec les quatre tons, on obtient 1 600 possibilités, ce qui est déjà mieux. Voilà qui explique pourquoi la plupart des mots chinois sont monosyllabiques ou bisyllabique et vont rarement au-delà.

D'un point de vue rationnel, on peut se dire "Oui, pourquoi pas ? C'est pas plus con que d'assembler plusieurs syllabes pour former un nouveau mot...".
D'un point de vue pratique, ça fait royalement chier.

Ce n'est pas forcément se rappeler de chaque ton correspond à chaque mot qui est difficile... C'est surtout d'être capable de faire ledit ton. Théoriquement, et le schéma le montre, ça a l'air bien facile. Mais dans la pratique, il est très difficile de faire les tons, surtout dans des phrases complètes. Prononcer un seul ton à la fois, ça va encore... Mais les enchaîner et moduler continuellement sa voix est, pour qui n'a pas l'habitude, bien éprouvant.
Mais le bon point est que c'est peut-être la seule difficulté de la langue chinoise parlée, à part les "classificateurs" que je n'aborderai pas puisque je les utilise encore mal. 
En effet, une fois les quatre tons maîtrisés, ce n'est pas la grammaire qui vous posera problème. Elle est réduite à son strict minimum. Il n'y a pas de temps, les verbes ne se conjuguent pas, pas plus qu'ils ne changent selon la personne qui parle. Pour se situer dans le temps, il suffit d'utiliser des mots comme "demain, hier, tout à l'heure, etc..." Pas de reliquat de déclinaisons comme "je, me, moi, mon, mes...". Pour tous ces mots, il n'y en a qu'un seul, wo (à prononcer avec le troisième ton). Ni et Ta sont respectivement "Tu, te, ton, etc..." et "Il/Elle, se, son, etc." Pour le pluriel, il suffit de rajouter "men" : women, nimen, tamen. Si vous souhaitez poser une question, parlez simplement à l'affirmative en rajoutant la particule "ma" à la fin. Une autre manière de construire les questions et que je trouve amusante est de doubler le verbe de la phrase, une fois à l'affirmative, une fois à la négative. Ainsi, pour demander si quelqu'un vient, vous pourriez dire, mot à mot : "Il vient, vient pas ?"

Mais laissons maintenant la langue chinoise pour aborder son écriture.

Apprendre le chinois ne nécessite pas l'apprentissage des caractères, car le PCC a développé le système pinyin, une forme de romanisation du chinois (écriture du chinois dans notre alphabet) qui permet d'écrire les mots et de visualiser leurs tons. Toutefois, je m'essaye malgré tout à l'apprentissage de l'écriture. D'ailleurs, voyez-vous une différence entre :

第一条



人人生而自由,在尊严和权利上一律平等。他们赋有理性和良心,并应以兄弟关系的精神相对待

et

第一條

人人生而自由,在尊嚴和權利上一律平等。他們賦有理性和良心,並應以兄弟關係的精神相對待

(Premier article de la déclaration des Droits de l'Homme. Ironique, non ?)

Allez, c'est pourtant facile.

Vous ne voyez pas que la première version est plus facile que la seconde ? C'est pourtant évident...
Jugeant que la complexité des caractères pouvaient nuire à l'alphabétisation du pays (Allons donc, serait-ce possible ?), le PCC a décidé dans les années 50 de simplifier quelques caractères. Entre 2 et 3 000 de mémoire, mais il me semble que c'est plus autour de 2 000. La simplification a consisté à remplacer certains sinogrammes jugés trop complexes à écrire. Notez la différence entre 嚴 et 严. Toutefois, certains ont critiqué la simplification parce qu'on perdait des symbolismes pourtant faciles à déchiffrer. Regardez en effet le caractère pour le mot "porte", 门 en simplifié, mais qui autrefois s'écrivait 門. On reconnaissait bien une porte avant, non ? Selon que vous êtes contre cette réforme, vous parlerez d'écriture "traditionnelle, orthodoxe" pour désigner la forme traditionnelle. Si vous êtes pour, vous parlerez d'écriture "ancienne" ou "complexe".

Les caractères chinois sont l'évolution d'une écriture qui représentait autrefois réellement les mots désignés, un peu comme les hiéroglyphes. Et puis, le caractère pour homme, 人, est assez facile à reconnaître non ? Certes, il lui manque les bras, mais bon. Dans le caractère pour la femme, 女, vous devez essayer de découvrir une femme enceinte.
D'autres caractères sont formés par association de différents caractères. Un que j'aime particulièrement, le symbole pour "bien", "bon", est l'assemblage du caractère de la femme et de l'enfant mis côte à côte. 女(femme) + 子(enfant) = 好 (bon, bien). Simple, non ?
Les caractères représentent un mot ou une syllabe (ce qui coïncident souvent, comme je l'ai dit). Il peut exister différents caractères pour la même syllabe selon le ton à mettre (logique, puisque le sens est différent) mais il peut aussi exister différents caractères pour des mots exactement identiques. En effet, le chinois, malgré ses tons, n'échappent pas à la présence d'homonymes. La lecture du caractère permettra d'échapper à toute ambiguïté. Prenons la particule Ta, prononcé au premier ton, et qui veut dire Il ou Elle comme je l'ai déjà dit pour ceux qui suivent. À l'oral, il n'y aucune différence selon que l'on désigne une femme ou un homme. À l'écrit pourtant, il y aura pour le masculin 他, et pour le féminin 她. Notez par ailleurs encore une fois la présence du caractère de la femme dans la version féminine. On appelle "clef" ces caractères que l'on retrouve dans d'autres. Ainsi, sans connaître un caractère nouveau, on peut avoir une idée de sa signification ou à quoi il se rapporte si on parvient à trouver une clef que l'on connaît.

J'entends la sonnerie de la récré. Bonne journée.

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